Éléphants : un outil pour mesurer la force de l’extrémité de leur trompe
Le rôle des parcs zoologiques dans la recherche scientifique est souvent méconnu du public. Pourtant, de nombreuses études y sont menées chaque année. L’une d’elles a récemment mis à profit la curiosité et la gourmandise des éléphants d’Afrique du ZooParc de Beauval pour en apprendre plus sur ces impressionnants pachydermes !
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Une trompe composée de 150 000 faisceaux musculaires
Ces paisibles colosses inspirent les scientifiques depuis longtemps. Leur trompe sert même de modèle en biomécanique et en robotique. Composée de 150 000 faisceaux musculaires, elle peut soulever jusqu’à 350 kg. Véritable couteau suisse pour l’éléphant, elle est à la fois précise et puissante. Pour attraper les gros objets, l’éléphant d’Afrique enroule sa trompe autour, ce qui lui donne beaucoup de force. Les objets petits et légers sont saisis de l’extrémité de la trompe, grâce à deux excroissances en forme de doigts. Un éléphant de 6 tonnes peut donc aisément s’emparer d’une noix sans la briser.
Un travail collaboratif entre 4 chercheurs du MNHN et les soigneurs du ZooParc
Quelle est exactement la force de pincement de cet organe fascinant ? Une équipe scientifique a inventé un dispositif pour la mesurer. Composée de 4 chercheurs du Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN) et de Baptiste Mulot, responsable vétérinaire au ZooParc de Beauval et directeur de recherche pour l’association Beauval Nature, l’équipe a travaillé en étroite collaboration avec les soigneurs des éléphants du ZooParc pour développer son appareil.
2 capteurs de force et 1 récompense !
L’invention consiste en un cube en bois de 80 cm de côté dont dépassent deux capteurs de force. Ils sont formés par deux plaquettes de bois lisse, parallèles, reliées à un module électronique qui enregistre la force exercée par l’animal. Ces informations sont envoyées par wifi à un ordinateur. Lorsque les deux capteurs sont pincés en même temps, une pomme est libérée. De quoi motiver nos éléphants à réitérer la manipulation ! La pomme est en effet l’un de leurs péchés mignons.
Tots, éléphante de Beauval, a testé l’invention avec succès
C’est Tots, une éléphante du ZooParc de Beauval âgée de 34 ans, qui s’est prêtée au jeu pour tester l’invention. Pour que la mesure soit prise en compte, l’éléphante doit pincer les deux capteurs en même temps du bout de sa trompe. Si elle enroule sa trompe autour des capteurs pour les rapprocher, ça ne compte pas ! En effet, l’animal a beaucoup plus de force de cette façon et ce n’est pas ce que les chercheurs souhaitent mesurer. Idem si Tots manipule un seul des deux capteurs, la mesure n’est pas retenue.
Une fois la première récompense libérée, l’éléphante doit pincer les capteurs de plus en plus fort pour libérer une pomme, ce qui permettra à l’équipe d’estimer la force maximale que peut déployer l’éléphant. « Après quelques minutes de manipulation, Tots commence à actionner délicatement le mécanisme. Au bout de 3 minutes 56 secondes, elle pince correctement les deux capteurs en même temps mais pas assez fort pour libérer la récompense. Puis à 4 minutes 36 secondes, elle pince à nouveau les capteurs, cette fois avec une force de 32,79 Newtons, suffisamment fort pour obtenir une pomme. Afin de ne pas stresser l’éléphante, l’expérience prend fin au bout de 5 minutes », précise Baptiste Mulot, responsable vétérinaire au ZooParc de Beauval et directeur de recherche pour l’association Beauval Nature.
Cette expérience sert à en apprendre davantage sur l’espèce. Cette connaissance permet de mieux prendre soin des éléphants d’Afrique ex situ et in situ. Ces recherches devraient se poursuivre avec les autres individus de la harde, afin d’uniformiser les résultats mesurés. Ces données biologiques seront exploitées dans d’autres domaines de recherche, pour alimenter les projets de robotique bio-inspirée, autrement dit doter les robots de fonctions complexes en se basant sur la nature.