Des passages souterrains pour permettre aux animaux de traverser la route
Quatre passages à faune ont été créés sous la RD19, à Lailly-en-Val (45). Ils permettront aux petits animaux, comme les pélobates bruns, crapauds en danger critique d’extinction en région Centre-Val de Loire, de traverser la route sans risque. Revivez avec nous cette construction hors du commun !
Un constat sans appel
À Lailly-en-Val, le site du Conservatoire d’espaces naturels Centre-Val de Loire abrite plusieurs mares qui forment un réseau d’eau stagnante vital pour la biodiversité. Ce réseau est scrupuleusement entretenu mais malheureusement entrecoupé par la RD19, un axe très fréquenté où circulent plus de 4 000 véhicules par jour. Or, la circulation routière est responsable de la mortalité de 80 % des amphibiens souhaitant traverser la route. Pas étonnant lorsque l’on sait que certaines espèces, comme le Triton crêté ou le Pélobate brun, peuvent mettre jusqu’à 6 minutes pour traverser la chaussée !
En utilisant une barrière associée à des pots de capture, une étude menée entre mars et avril 2023 a mis en lumière les zones de passages préférentielles des amphibiens qui souhaitent traverser. L’installation de passages souterrains permettant à la faune de traverser sans risque étant un projet couteux, plusieurs organismes ont été sollicités et ont répondu présents à l’appel lancé par Beauval Nature : le Fonds vert – France nation verte, le Conseil Départemental du Loiret et la DREAL* Centre-Val de Loire qui encadre l’animation du Plan Régional d’Actions du Pélobate brun en région Centre-Val de Loire.
* Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement
Gabriel Michelin, chargé de missions Biodiversité de Beauval Nature, ajoute : « La France dispose d’environ 2 000 ouvrages pour la faune, dont la moitié se trouve sur les autoroutes. Malheureusement cela reste insuffisant et les aménagements sont souvent destinés à de plus grands animaux dont la traversée est dangereuse pour les automobilistes : cerf, biche, sanglier … La construction de passages pour la petite faune est une première sur une route déjà existante pour le département du Loiret. »
Ainsi, après concertation avec le Services Routes du Département et un appel d’offre auprès d’entreprises locales, les travaux ont pu démarrer en octobre 2024 et se sont achevés moins de 3 mois plus tard, le 20 décembre.
Une espèce très menacée sur la liste des bénéficiaires
Même si une multitude d’animaux pourra emprunter les passages à faune – hérissons, rongeurs, serpents – l’un des amphibiens cités ci-dessus a particulièrement attiré l’attention de Beauval Nature et de ses partenaires : le Pélobate brun (Pelobates fuscus).
Gabriel Michelin nous explique comment le reconnaitre : « Le Pélobate brun est un crapaud de taille moyenne, de 5 à 8 cm. Son dos est brun foncé, ponctué de petits points rouges. Sur ses pattes arrière, on peut distinguer des excroissances cornées qui lui permettent de s’enfouir dans les sols sableux ou argileux. Mais en réalité vous avez peu de chance de tomber nez à nez un pélobate : c’est un crapaud discret, et rare qui plus est ! »
En période de reproduction, de mars à mai, les pélobates rejoignent les plans d’eau. Les mâles émettent alors un chant discret, sous l’eau, afin d’attirer les femelles. Ces dernières pondent entre 1 000 et 2 500 œufs. Seulement une petite centaine deviendra de jeunes crapauds et sortira des mares en été.
Malheureusement, en France, la répartition de ce crapaud est très hétérogène : on retrouve quelques populations en Alsace et en Lorraine et deux populations isolées dans la région Centre-Val de Loire. Une petite est située dans le département de l’Indre et la seconde dans le Loiret, la plus grande population de France en termes d’effectifs et la dernière à l’ouest de l’Europe. Classé « en danger critique d’extinction » sur la Liste Rouge des amphibiens de la région Centre-Val de Loire, le pélobate brun a vu ses effectifs diminuer rapidement ces 50 dernières années, notamment à cause de l’assèchement et de la disparition des zones humides, de la pollution et de l’introduction d’espèces exotiques envahissantes.
Ainsi, afin de préserver l’espèce et soutenir son expansion, le Pélobate brun fait l’objet d’un Plan National d’Actions, animé au niveau régional par la DREAL Centre-Val de Loire et Beauval Nature. Dans ce cadre, plusieurs actions sont menées, notamment à Lailly-en-Val : recherche de l’espèce, restauration des mares, recherche de pontes et protection.
La construction des passages à faune à Lailly-en-Val bénéficiera directement aux pélobates et limitera leur mortalité sur la route.
Comment sera évaluée la réussite de ce dispositif ?
Les animaux vont-ils emprunter les passages à faune ? Comment savoir si ceux-ci sont bien adaptés aux animaux qui souhaitent traverser ? Gabriel nous répond : « Tout d’abord, il faut savoir que les crapauducs seront régulièrement inspectés et entretenus : aucun obstacle (inondation, végétation, pierre, etc.) ne doit empêcher un animal d’y entrer et de sortir à l’autre extrémité. Ensuite, nous allons installer des pièges photographiques dans les tunnels. Ces caméras se déclenchent à chaque mouvement et nous permettront d’identifier les animaux qui utilisent les passages à faune. L’analyse des images sera réalisée par Loiret Nature Environnement et réservera sûrement des surprises car de nombreuses espèces sont susceptibles d’emprunter ces tunnels souterrains. »