Qu’est-ce que l’ADN environnemental ?
La recherche scientifique est essentielle pour développer les actions de conservation des espèces menacées. C’est pour cette raison que Beauval Nature participe au financement de nombreux programmes pionniers qui utilisent des procédés novateurs, tels que la détection d’ADNe. Cette nouvelle méthode marque un tournant dans les études de terrain !
La Terre regorge d’une diversité biologique qui résulte de plusieurs milliards d’années d’évolution. Qu’il s’agisse d’animaux, de végétaux ou de bactéries invisibles à l’œil nu, la vie a su coloniser les moindres recoins de la planète pour s’y développer, tissant des liens et des interactions essentiels pour former l’ensemble des écosystèmes connus aujourd’hui. Bien que l’humain s’intéresse depuis toujours à la compréhension du monde, la majorité des êtres qui le peuple demeure encore un mystère. Au fil des siècles, plus de 2 millions d’espèces auraient été découvertes, mais les estimations scientifiques laissent imaginer que ce chiffre ne représenterait qu’un cinquième de la véritable richesse présente à la surface du globe.
Pourtant, l’ensemble de cette biodiversité, connue ou encore ignorée, est menacée par des pressions humaines qui n’ont de cesse de s’intensifier : déforestation, pollution, surpêche, introduction d’espèces invasives, exploitation minière… Toutes ces activités provoquent un effondrement des espèces sur l’ensemble de la planète. Un nouvel outil pourrait cependant bien permettre de redistribuer les cartes de la recherche et devenir un nouvel atout dans la conservation des espèces menacées : l’ADNe.
L’ADNe – le petit « e » signifiant « environnemental » – correspond à toutes les traces d’ADN laissées dans l’environnement par les animaux. Qu’il s’agisse de poils, d’écailles, de plumes, de salive, d’urine, de fèces, de semence ou de sang, ces indices permettent de détecter la présence des animaux sans avoir recours aux observations visuelles ! La détection de ces molécules propose par conséquent une bien meilleure précision et un impressionnant gain de temps, car elle permet d’éviter de longues expéditions dans des environnements parfois bien difficiles, tout en étant non-invasive et souvent moins coûteuse !
Comment est-ce que cela fonctionne ? Il suffit de prélever un échantillon d’eau, dans une rivière, une mangrove, un fleuve ou au fond de l’océan, et de le filtrer. Le filtre permet de récupérer les fragments d’ADN qui sont ensuite amplifiés par PCR avant d’être séquencés et comparés à une base de données qui réunit les séquences génétiques de nombreuses espèces. Cette comparaison conduit ensuite à l’identification des différents animaux ayant laissé des fragments d’ADNe dans l’échantillon – c’est ce que l’on appelle le « metabarcoding » –.
Grâce à ces indices environnementaux, il a même été possible de retrouver des traces d’espèces pensées éteintes – comme la grenouille brésilienne Megaelosia bocainensis –, ou de détecter la présence d’individus dans des régions qui n’étaient pas envisagées. C’est le cas du requin-ange, qui a été redécouvert au nord-ouest de la Corse grâce à cette technique en 2022. Ce poisson ovovivipare – c’est-à-dire que les œufs éclosent dans le ventre de la mère avant qu’elle ne les mette au monde – pouvant dépasser les 2,4 mètres de long et qui tient son nom de ses nageoires en forme d’ailes d’anges, était autrefois abondant en Europe : de la Norvège à Tenerife, en passant par l’Angleterre, l’Irlande et tout le pourtour du bassin Méditerranéen. Il était si commun au sud de la France qu’il a donné son nom à la fameuse « baie des anges », située entre Antibes et Nice.
Malheureusement, la destruction progressive des fonds marins a drastiquement réduit le nombre de requins-anges, aujourd’hui classés « en danger critique » d’extinction par l’UICN (l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature). Les populations de ces animaux auraient en effet été décimées à hauteur d’environ 90% pour l’espèce Squatina squatina. En principale cause : le chalutage, une technique de pêche qui vise à descendre un gigantesque filet, tracté par un bateau, pour râcler les fonds marins sur plusieurs kilomètres. Les requins-anges, connus pour chasser leurs proies en s’enfouissant dans le sable, sont donc facilement capturés dans ces filets qui détruisent également l’ensemble de l’habitat : coraux, plantes aquatiques, lieux de ponte…
La détection de traces d’ADNe de requins-anges au nord-ouest de l’île de Beauté représente ainsi un véritable espoir pour la survie et la conservation de cette espèce, et permet d’obtenir de nouvelles informations sur sa répartition géographique. Ces informations sont la clé de voûte pour aider cette espèce à se rétablir, et pourraient permettre de cibler en priorité les zones où sa présence est avérée dans le cadre des mesures de conservation appliquées aux aires marines protégées.
D’autres détections d’ADNe ont déjà eu lieu dans différentes régions du monde, et le constat est sans appel : il suffit de quelques dizaines de litres d’eau pour détecter l’ensemble des espèces connues par les inventaires traditionnels fait sur parfois des décennies, et même de détecter jusqu’à 30% d’espèces en plus. L’ADNe est donc particulièrement utile dans l’étude des fonds marins, là où il est parfois dangereux pour un humain de plonger sans équipements onéreux. Il pourrait ainsi être possible de mieux connaitre, et donc de mieux protéger les écosystèmes marins, particulièrement riches en biodiversité. Les récifs coralliens, qui couvrent à peine 0,1% des fonds marins, abriteraient par exemple plus d’un million d’espèces pluricellulaires, dont environ 6 000 espèces de poissons.
Mieux encore, l’ADNe permet de détecter des espèces invisibles, telles que des bactéries ou des champignons ; des indices précieux qui peuvent aider à prévenir les risques sanitaires liés à la présence de potentiels pathogènes. Il est également possible de prélever de l’ADN appartenant à des espèces qui ne sont pas encore découvertes. Dans ce cas, les séquences génétiques sont stockées dans une base de données et serviront d’indices pour identifier les inconnus. L’ADNe offre donc de nouvelles opportunités en termes de recherche scientifique et pourrait bien devenir l’outil de référence de la conservation dans les années à venir.
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