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Des vautours : une histoire ancrée depuis des millénaires

Les oiseaux sont les maîtres incontestés des cieux. Il en existerait près de 10 000 espèces différentes, aux caractéristiques parfois bien singulières… Parmi ces êtres majestueux qui peuplent la planète, un groupe se détache des autres : les vautours, qui seraient apparus il y a plus de 30 millions d’années. Ces rapaces nécrophages – qui se nourrissent de carcasses – jouent un rôle crucial dans le maintien des écosystèmes. Ils débarrassent en effet les sols des cadavres, empêchant ainsi la prolifération de bactéries et de maladies potentiellement mortelles. En Europe, quatre espèces de vautours peuvent être observées : le vautour fauve, le vautour moine, le percnoptère et le gypaète barbu (il arrive parfois qu’une cinquième espèce puisse être observée en Espagne, il s’agit du vautour de Rüppell, mais cet oiseau passe la majeure partie de son cycle de vie en Afrique). Malgré leur rôle écologique essentiel, les vautours sont parfois perçus de manière négative. Pour mieux comprendre leur histoire, un petit retour en arrière s’impose…

Ubi pecora, ibi vultures – Là où il y a du bétail, il y a des vautours

Les Hommes et les vautours ont toujours cohabité, et leur relation s’est renforcée au fil des siècles, à mesure que les populations humaines se sédentarisaient. Cette forte proximité a laissé un impact durable sur de nombreuses civilisations et aux quatre coins du monde. Tantôt considérés comme un présage des dieux ou guides des âmes, tantôt comme des créatures malfaisantes jugées indignes par leurs mœurs alimentaires, leur présence a toujours marqué les croyances. En Egypte antique par exemple, le vautour était considéré comme un symbole royal et divin. La fameuse « couronne de vautour » était notamment portée par les femmes de haut rang. Cet oiseau était également symbole de féminité, de maternité, lié à la puissance créatrice de l’univers et un protecteur des rois.

Au Tibet, les rites funéraires traditionnels étaient associés aux quatre éléments – qui sont également considérés comme les quatre constituants du corps humain – : les morts pouvaient être inhumés dans la terre, incinérés par le feu, emportés par les eaux, ou offerts par les ragyapas – officiants religieux en charge des rites funéraires – aux vautours qui chevauchent le vent. Ces rites, bien qu’ils tendent à disparaitre, existent encore parfois aujourd’hui.

En Europe antique, l’observation de vautours était considérée comme un présage des dieux. La ville de Rome aurait été bâtie par Romulus – le premier roi de la cité – après qu’il ait observé 12 vautours survoler le mont Palatin près de 800 ans avant notre ère. Près de 10 siècles plus tard, Plutarque écrit du vautour qu’il est « de tous les animaux, celui qui fait le moins de tort aux Hommes » puisqu’il ne dévore aucun bien produit par les humains et qu’il ne massacre aucun être vivant pour se nourrir. Il participe même au nettoyage des agglomérations humaines.

vautour fauve

Vautour fauve, présent au ZooParc de Beauval

D’adulés à détestés

L’une des origines du changement de perception des vautours proviendrait d’Elien le Sophiste et de son travail sur « La personnalité des animaux ». Cet historien et orateur du IIème siècle après Jésus-Christ écrit dans son recueil que « les bonnes odeurs causent la mort du vautour », une observation évidemment erronée – en sachant également qu’en Europe, ces rapaces repèrent les carcasses non pas aux odeurs, mais grâce à leur vue perçante et leur ouïe particulièrement développé 1 – mais qui semble planter les graines d’un changement de mentalité au sujet du vautour.

Le vautour devient ensuite progressivement l’opposé de l’aigle : ce dernier est un symbole de force, il chasse seul, triomphe de sa proie et s’envole vers les hauteurs, tandis que le vautour se nourrit en groupe, au sol, de la mort. C’est aussi le vautour qui se nourrit des guerriers tombés au combat, et qui fait disparaitre le corps des vaillants héros. Le rapace est alors déchu de ses premiers attributs, et devient un animal sans noblesse, symbole de mort, de défaite et d’impureté qui vole le corps des défunts avant que leurs sépultures ne puissent être érigées.

Dès lors, en France notamment, les vautours sont craints, repoussés, voire exterminés. Au 19ème siècle, c’est l’hécatombe : des campagnes d’éradications sont organisées, associées à de nouvelles croyances dévastatrices. Les vautours deviennent des animaux effroyables, qui dévorent les troupeaux, emportent les animaux dans les airs, et n’hésitent pas non plus à dévorer les enfants (cette image leur collera aux plumes pendant longtemps, puisque ces comportements pourtant fictifs sont encore parfois associés à ces géants des airs). Les gypaètes barbus sont quant à eux, à la même époque, accusés d’être des envoyés du démon à cause de leurs yeux cerclés de rouge et sont éliminés en conséquence.

1 L’ouïe développée des vautours leur permet de repérer les proies à l’agonie grâce à leurs hurlements, ou encore le bruit fait par les prédateurs qui les abattent.

Les menaces s’accumulent…

À cela viennent s’ajouter les empoisonnements des carcasses pour éliminer d’autres animaux, comme les loups notamment. Les vautours, venant se nourrir de ces leurres, subissent alors un funeste sort. La quasi-éradication des ongulés sauvages en France entre les 19ème et 20ème siècles – tels que les cerfs, chevreuils, sangliers, bouquetins et chamois – et de leurs prédateurs naturels a rendu les vautours dépendants de la faune domestique ; mais l’exode rural ne facilite pas les choses, car le nombre d’éleveurs de bétail diminue fortement. En conséquence, le nombre d’animaux, et donc de carcasses potentielles, se réduit. L’utilisation intensive de produits vétérinaires dans les élevages provoque également un empoisonnement secondaire des vautours, qui souffrent de multiples afflictions. C’est notamment le cas en Inde avec le diclofénac, qui a décimé 95% des populations de vautours.

Rendre à César ce qui est à César

Au même moment cependant, les consciences s’éveillent, et les premiers programmes de sauvegarde des vautours se mettent progressivement en place. Des réintroductions ont lieu dès les années 80 dans les Causses, où les vautours fauves avaient complétement disparu. De nouvelles mesures sanitaires et d’équarrissage dans le cadre de l’élevage de bétail sont également décidées, et des placettes de nourrissage sont créées en accord avec les éleveurs. Ces placettes permettent aux éleveurs de déposer les carcasses de bétail et aux vautours de retrouver leur rôle d’équarrisseurs naturels, tissant à nouveau le lien qui unissait autrefois les vautours et les humains.
Des campagnes de sensibilisation à l’échelle nationale et internationale, gérées notamment par la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) et la Vulture Conservation Foundation (VCF) voient le jour. Celles-ci permettent de changer progressivement l’image injustement héritée des vautours. Le ZooParc de Beauval trouvant ses origines dans la passion qu’unissait Françoise Delord aux oiseaux, Beauval Nature rejoint rapidement le combat en soutenant financièrement ces programmes et en sensibilisant les visiteurs du parc aux enjeux de la conservation des vautours.

La Rhune, femelle gypaète barbu

La Rhune, femelle gypaète barbu qui est parrainable

Une nouvelle aube se lève, de nouvelles menaces se révèlent

Grâce à ces efforts, peu à peu, les vautours retrouvent leurs territoires d’autrefois, et une meilleure connaissance scientifique de ces oiseaux majestueux permet de mieux les comprendre, et donc de mieux les protéger. Aujourd’hui, de nouveaux noyaux reproducteurs ont pu naître dans différentes régions. C’est le cas pour le vautour moine dans les Grands Causses, au Sud du Massif central. Des réintroductions de gypaètes barbus dans les mêmes régions font également naître de nouveaux espoirs, et la population de vautour fauve a pu se rétablir en partie dans les Alpes, les Pyrénées et les Grands Causses.

Ce nouvel équilibre reste néanmoins fragile, car certaines croyances ont la peau dure, et des évènements isolés soulèvent de nombreuses questions. Des témoignages rapportent en effet que des vautours se seraient attaqués à du bétail bien vivant et en bonne santé. Il s’agirait en réalité d’une mauvaise interprétation du comportement de ces rapaces. À de rares occasions, des vautours ont pu être observés en train de se repaitre d’animaux encore en vie. À chaque fois cependant, ces animaux étaient malades, affaiblis, blessés, à l’agonie et condamnés. Cette mauvaise lecture du comportement nécrophage des vautours serait en réalité liée à un manque d’information sur ces oiseaux, renforcée par toutes les idées reçues depuis plusieurs siècles, ainsi que la perte d’habitude de vivre à leur contact.

De nouvelles menaces émergent également : le développement des activités touristiques sur certains sites engendre un dérangement des sites de nidification et des couples. La création de parcs éoliens dans différentes régions présente également un risque important de collision avec les oiseaux, et des cadavres de vautours sont régulièrement observés. À cela viennent s’ajouter la menace colossale que représentent les réseaux de lignes électriques, qui provoquent l’électrocution de nombreux oiseaux et n’épargnent pas les vautours. Les empoisonnements, quant à eux, sévissent toujours, et les rapaces continuent d’être abattus par des tirs de fusil. Tout est encore loin d’être idéal au pays des vautours…

Leur rôle écologique est pourtant essentiel, et les vautours sont les gardiens de l’équilibre des écosystèmes. Leur disparition serait une véritable catastrophe à l’échelle planétaire, il est donc plus que nécessaire de réapprendre à vivre en harmonie à leur côté. Sont-ils d’ailleurs les seuls à apprécier la consommation de viande maturée ? Nous ne sommes finalement pas si différents.

Parrainez dès maintenant La Rhune, une magnifique femelle gypaète barbu au ZooParc de Beauval ! L’intégralité des fonds récoltés est reversée aux programmes de conservation et de recherche financés par Beauval Nature. Profitez également de vos visites sur le parc pour découvrir d’autres vautours européens : des vautours fauves, des vautours moines et des vautours de Rüppell !

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