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Tatous et fourmiliers géants : une conférence passionnante d’Arnaud Desbiez

Organisée par l’association Beauval Nature, la conférence sur les tatous géants et fourmiliers géants d’Arnaud Desbiez, zoologiste, président et fondateur de l’ICAS (Institut de Conservation des Animaux Sauvages), au Brésil, a réuni près de 200 personnes au sein du Dôme Equatorial de Beauval vendredi 27 octobre. Une conférence passionnante, émouvante et fascinante.  

« Ma carrière est née dans un zoo, je suis né dans un zoo » 

Arnaud Desbiez a débuté son intervention en expliquant comment il était devenu zoologiste et il a tenu à remercier les donateurs de Beauval Nature. « Ma première expérience avec la conservation d’espèces s’est passée dans les parcs zoologiques et donc j’ai une relation très forte et j’admire beaucoup les zoos. Ma carrière est née dans un zoo. Je suis né dans un zoo. Mon travail a commencé à partir de cette expérience dans un parc zoologique. Aujourd’hui, 80 % des fonds du projet du tatou géant et plus de 50 % de celui du fourmilier géant proviennent des parcs zoologiques. Beauval Nature est l’un de nos plus grands financeurs. C’est vous qui faites Beauval Nature. C’est grâce à vos dons que l’association existe. Je vous remercie beaucoup », a déclaré Arnaud Desbiez en préambule, avant de détailler son travail pour la conservation des tatous géants et fourmiliers géants : « J’ai fondé l’ICAS qui a comme focus le tatou géant et le fourmilier géant et à travers ces 2 espèces, nous essayons de travailler pour conserver la biodiversité. Le titre de ce travail s’appelle « Coexister avec les géants d’Amérique du Sud ». Protéger un animal signifie coexister avec l’Homme, déployer toutes les stratégies pour que l’on puisse conserver tout en continuant à produire et avoir une vie économique ».


Le public transporté au Brésil, dans le Pantanal et le Cerrado  

Arnaud Desbiez, avec sa présentation ponctuée de photos et de vidéos, a fasciné l’auditoire qui a été véritablement transporté au Brésil, dans le Pantanal et le Cerrado, durant près d’une heure et demie. « Le travail a commencé dans le Pantanal, le plus grand marécage d’eau douce du monde qui se trouve dans le centre de l’Amérique du Sud. Le Pantanal est une sorte de paradis pour les animaux car 95 % du Pantanal est dans les mains de propriétaires mais ce sont de très grandes fazendas, immenses, dans lesquelles ils font de l’élevage extensif. Ils font ça depuis plus de 250 ans. Donc c’est un endroit où on peut dire que l’Homme vit en harmonie avec la nature. Il n’y a pas de route, pas de chasse, pas de pesticide… Il y avait peu de déforestation, ça augmente maintenant. La plus grande menace, ce sont les incendies. » Dans le Pantanal, le tatou géant est menacé principalement par les incendies. Grâce au programme de conservation du tatou géant, une aire de 1 600 km2 est protégée. Plusieurs brigades communautaires ont été créées pour combattre le feu et leur nombre augmente d’année en année. Elles sont intervenues sur 7 fazendas en 2021, 15 en 2022 et 22 en 2023.  

« Mon rêve, c’était de voir le tatou géant » 

Le zoologiste est revenu sur les prémices de son engagement au Brésil pour la conservation du tatou géant et comment il a eu le “déclic”. « Je travaillais déjà dans le Pantanal depuis 8 ans, j’étais sur un autre projet et mon rêve, c’était de voir le tatou géant. J’ai toujours aimé les tatous. Et ma femme m’a dit qu’elle avait vu un tatou géant dans cette fazenda. Ma femme travaille avec les tapirs. Un jour, un tatou géant est passé devant elle et donc j’ai décidé de venir installer des caméras-pièges. C’est cette photo-là qui a changé ma vie. Une photo que l’on a prise d’un tatou géant. Et quand j’ai vu cette photo, je n’arrivais pas y croire. Cela faisait déjà 8 ans que j’étais dans le Pantanal et il se trouve que sous mes pieds existait ce monstre, ce dinosaure et moi je ne savais rien sur lui. J’ai regardé dans la littérature. Il y avait très peu de choses sur lui. Beauval a commencé quand Françoise Delord a acheté quelques perruches. Moi, le projet a commencé quand j’ai vu cette photo ! ».  

La fameuse photo issue d’une caméra-piège posée par Arnaud Desbiez (2010). 

Le tatou géant, un ingénieur de l’écosystème qui donne une maison aux autres animaux  

Le terrier d’un tatou géant sert à de nombreuses espèces pour s’abriter de la chaleur ou se prémunir du froid comme un refuge thermique et aussi pour trouver de quoi se nourrir. Ce n’est pas pour rien que le tatou géant est qualifié d’ingénieur de l’écosystème. « Ensuite, je me suis aperçu qu’au lieu d’avoir des tatous géants dans mes photos, je voyais plein d’autres espèces, pas seulement des mammifères mais aussi des reptiles qui utilisaient son terrier. Donc c’est à peu près 35 cm de diamètre et plus de 5 m de profondeur. Le trou du tatou géant étant profond, les animaux s’y réfugient quand il fait très chaud dehors car à l’intérieur c’est comme s’il y avait de l’air conditionné. Et quand il fait froid à l’extérieur, il fait bon dans le terrier donc c’est un refuge thermique. Dû à la concentration d’espèces, les prédateurs aussi viennent se nourrir dans les terriers. Le tatou géant est un ingénieur de l’écosystème c’est-à-dire qu’il modifie le milieu ou y apporte des ressources nouvelles. Il donne une maison aux autres animaux. C’est une espèce dont on ne savait pratiquement rien, que l’on ne voit jamais mais qui a un rôle très important dans l’écosystème. »  

Le fourmilier géant menacé principalement par les collisions routières  

Après une première partie consacrée au tatou géant, Arnaud Desbiez a abordé le programme de conservation du fourmilier géant rappelant que la principale menace pesant sur cette espèce est liée aux collisions routières : « C’est un animal emblématique de l’Amérique du Sud qui a une morphologie vraiment très différente. Et c’est un animal qui est un peu plus connu que le tatou géant mais très menacé par les autoroutes. Donc nous avons commencé à travailler directement sur ce problème. Beauval Nature nous a appuyé dès le début pour commencer cette initiative qui est différente du tatou géant parce qu’elle était très organisée dès le début avec différents objectifs. Il fallait connaître le problème et répertorier la mortalité. Durant trois ans, entre 2017 et 2020, tous les 15 jours, nous parcourions environ 1200 km et nous comptions les carcasses ».  

Résultats : 84 643 km parcourus, 12 400 carcasses d’animaux dénombrées dont 762 fourmiliers géants. 40 % de ces carcasses étaient d’une dimension suffisamment importante pour endommager une voiture et donc représenter un danger pour l’Homme. Une autre étude, quotidienne, sur certaines routes a permis de déceler que 25 % des carcasses disparaissaient en raison des animaux charognards notamment, ce qui laisse à penser que le nombre de fourmiliers heurtés pourrait être supérieur. Grâce au financement de Beauval Nature et les colliers GPS placés sur les animaux, les équipes d’Arnaud Desbiez se sont aperçues que 10 animaux avaient disparu, 5 sur la route et 5 en dehors. « Les animaux que l’on trouve écrasés sur la route, c’est la pointe de l’iceberg. En fait, la moitié vont mourir un petit peu plus loin… Comme Flora, qui s’est déplacée après avoir été heurtée, qui a agonisé et est morte à peu près à 600 m de la route. La mortalité correspond à près de 50 fourmiliers géants tous les 100 km par an. Lorsque Rodolphe est venu me voir, on s’était arrêté à une carcasse de fourmilier géant. Je me souviens lui avoir dit que j’aimerais beaucoup que les gens en France, les amis qui sont contre les zoos, j’aimerais tellement qu’ils viennent passer une journée avec moi dans le Cerrado et qu’ils puissent voir ce qu’est la vie d’un animal sauvage, quelles sont leurs difficultés. Dans le Cerrado, ils perdent leur habitat, ils sont envenimés par les pesticides et ils meurent écrasés sur les routes. Je vois dans vos zoos, les animaux sont beaux et ont une très belle vie. Les gens ne se rendent absolument pas compte de ça. Il faut voyager un petit peu pour voir la difficulté que les animaux ont pour survivre. » 

Pour enrayer la mortalité routière des fourmiliers géants, les équipes de l’ICAS ont effectué un travail très important sur les perceptions sociales par l’interview de 200 camionneurs, par des études d’impact avec des caméras-pièges montrant que les routes augmentent de 20 % la mortalité des fourmiliers, des études sur la santé des animaux, des analyses sur la viabilité de la population révélant que le taux de croissance des populations d’animaux vivant à moins de 2 km des routes sont impactées à plus de 50 %…  

Et plein d’autres actions que vous pourrez découvrir en visionnant en intégralité la conférence d’Arnaud Desbiez (durée : 80 minutes). Rendez-vous sur la page Facebook de Beauval Nature où elle est disponible en replay (début à 9’).     

Je regarde la conférence

Des magazines et des magnets vendus au profit de l’ICAS  

Cet évènement s’est conclu par un temps de questions réponses avec le public puis de nombreux échanges en aparté avec Arnaud Desbiez et Rodolphe Delord. Le zoologiste a également dédicacé avec plaisir le 3e numéro du magazine Beauval Nature dans lequel une interview lui était consacrée. Les 4 autres numéros du magazine ainsi que des magnets étaient également en vente au profit de l’ICAS.  

Si vous aussi, vous souhaitez soutenir Beauval Nature, ses 58 programmes de conservation et ses 16 programmes de recherche, vous pouvez faire un don (déductible à 66 % de vos impôts) à l’association.  

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