À la découverte du vison d’Europe
Petit carnivore le plus menacé du continent européen et classé « en danger critique » d’extinction par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature au niveau national, européen et mondial, le vison d’Europe est pourtant une espèce grandement méconnue.
Ce petit animal – qui ne mesure qu’une trentaine de centimètres du bout du museau à la pointe de la queue et ne pèse en moyenne qu’un demi-kilogramme – appartient à la famille des Mustélidés, au même titre que la martre, le blaireau ou le putois. Il vit dans les zones humides, généralement à moins d’une centaine de mètres des cours d’eau, et est aussi agile à la course qu’à la nage. Il se nourrit principalement de petites proies, telles que des petits mammifères, des grenouilles, des écrevisses ou des poissons qu’il chasse à vue.
Originellement abondant de la Finlande aux monts de l’Oural en Russie, le vison d’Europe s’est ensuite répandu à l’ouest du continent européen, en France et en Espagne notamment. Au cours du XXe siècle, cet animal devient particulièrement convoité dans l’industrie de la fourrure et sa chasse explose. Très rapidement, les effets se font ressentir sur les populations, qui diminuent grandement. Au même moment, l’exploitation des milieux humides s’intensifie, et prive progressivement les visons de leur habitat et de leurs proies. Un autre problème majeur ne va pas non plus tarder à s’ajouter aux pressions que subissent les visons d’Europe : la compétition avec les visons d’Amérique.
Une menace venue de l’autre côté de l’océan…
Introduits en France et dans le reste de l’Europe dans les années 1900, les visons d’Amérique ne tardent pas à s’échapper des centres d’élevage pour la fourrure. Habitués à la promiscuité forcée dans ces lieux, ces animaux plutôt solitaires à l’origine deviennent plus sociaux et apprennent à se tolérer sur un même territoire, ce qui les rend d’autant plus compétitifs face aux visons d’Europe. Le territoire tombe ainsi aux mains des visons d’Amérique qui prolifèrent un peu plus d’année en année jusqu’à complétement remplacer les visons d’Europe. À chaque fois que la présence du vison d’Europe est détectée sur une zone donnée, la population de vison d’Europe décline dans la foulée jusqu’à disparaitre complétement.
À toutes ces pressions vient ensuite s’ajouter le développement du réseau routier, qui fragmente encore plus l’habitat naturel des visons d’Europe, et crée des risques de collisions fatales. Cette fragmentation provoque à son tour des difficultés pour les visons d’Europe à étendre leur territoire (disperser), ce qui engendre des risques importants de consanguinité, menant à l’érosion génétique de l’espèce.
Aujourd’hui, le nombre d’individus en France est estimé à moins de 250. En Russie, les derniers calculs – qui datent de plus d’une vingtaine d’années – font état de 20 000 individus, un chiffre probablement surestimé à l’époque, encore plus éloigné du chiffre actuel réel selon l’UICN.
©Matthieu BERRONEAU
Tout n’est cependant pas perdu pour autant…
Dès 1999, la France instaure un premier Plan National d’Actions avec quatre objectifs principaux : augmenter le niveau de connaissance sur le vison d’Europe, identifier avec précision les menaces qui pèsent sur l’espèce, mettre en place des actions pour limiter leur impact, et intégrer le vison d’Europe dans le cadre Natura 2000. Ce premier PNA est suivi par un second en 2007, qui vise cette fois-ci à étudier l’élevage et la réimplantation de visons d’Europe afin de renforcer les populations en déclin, tout en améliorant les pratiques de régulation des espèces déprédatrices et des visons d’Amérique. L’accent est également porté sur l’ajout de mesures pour pallier les collisions routières.
En 2017, le programme LIFE Vison coordonné par la LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux) débute, avec pour objectif de maintenir, voire d’augmenter, la population de vison d’Europe dans le dernier bastion de France, entre la Charente et la Charente-Maritime. Les actions s’axent autour de la réduction des causes de mortalités, l’amélioration et l’augmentation des surfaces habitables favorables, la caractérisation des différentes populations qui constituent le noyau de la région, et la promotion du vison d’Europe en tant qu’espèce phare des milieux humides. Concrètement, ces objectifs sont atteints par la création et l’entretien de corridors écologiques, de passages à faune, de suivi de populations et d’études sur les mécanismes de la reproduction chez les visons d’Europe. Beauval Nature est fière de soutenir cet ambitieux programme de conservation pour la faune locale.
Une mobilisation internationale
Les pays européens se mobilisent simultanément, et des actions similaires se développent, notamment en Espagne et en Estonie. Sur l’île d’Hiiumaa, le vison d’Amérique avait complétement supplanté le vison d’Europe au cours du XXe siècle, faisant de ce dernier une espèce localement éteinte. Plusieurs campagnes d’éradication du vison d’Amérique ont cependant eu lieu dès 1998. Trois ans plus tard, en 2002, l’espèce exotique envahissante avait officiellement disparu de l’île. Au même moment, les premières tentatives de réintroduction prennent place : au total, 562 visons d’Europe ont été réintroduits entre 2000 et 2015. Aujourd’hui, la population sur Hiiumaa est considérée comme établie. Bien qu’encore fragile, cette population fait naitre de nouveaux espoirs pour la conservation de ce petit carnivore.
Depuis 2021, la France déploie un troisième Plan National d’Actions en faveur du vison d’Europe, et pour une période de 10 ans. Cette fois-ci, l’objectif phare est la réintroduction ainsi que la translocation d’individus afin de renforcer les populations sauvages. Les autres actions visent à renforcer les mesures déjà mises en place et les connaissances sur l’espèce, et à acquérir de nouvelles données sur les enjeux de conservation en constante évolution. Intégrer la conservation du vison d’Europe dans les politiques locales d’aménagement du territoire, et mener des actions de sensibilisation auprès des acteurs locaux et du grand public afin de mieux faire connaitre cet animal fait également partie des priorités.
Pour venir en aide aux visons d’Europe et soutenir les nombreux autres programmes Beauval Nature, c’est par ici :
